John Davies

 

Moderniser un coeur de village

Saint-Benoît-du-Sault

De la monographie Temps et Paysage a publiè dans 2000.
Si vous le permettez, j'evoquerai brièvement mes origines, afin d'éclairer ma manière d'appréhender l'évolution du paysage. Je ne suis que le produit d'influences culturelles, sociales et historiques. Ma mère venait d'une famille appartenant à une lonque lignée de paysans éleveurs de bétail, on y trouve par exemple les frères Colling célèbres au XVIIIème siècle pour l'élevage du "Durham Ox", un taureau à ce gros producteur de viande, si sujet à controverse aujourd'hui. Quant à mon père, il fut le dernier représentant d'une génération de mineurs.
Leur mariage peut paraître un curieux mélange, mais dans le même temps il est emblématique de la rapidité avec laquelle la Grande Bretagne est entrée dans l'ère industrielle. L'implantation de grandes exploitations permit l'augmentation des productions agricoles qui serviront àalimenter les ouvriers de la Révolution Industrielle. Ce sont ces origines qui ont influencé mon choix et servi d'appui à ma d'approcher et de comprendre le développement rural et urbain du paysage.
Nombre de nationalistes Français et Britanniques seraient probablement horrifiés à l'idée qu'il existe de similitudes entre les deux pays. La nature changeante des villages ruraux français n'est rien d'autre que ce qui s'est déjà produit depuis bien longtemps en bien des endroits de Grande Bretagne. Afin de devenir plus productives et plus compétitives, les fermes se sont agrandies et spécialisées. Tandis que la population traditionnelle des villages agricoles est forcée de trouver du travail dans des régions industrielles, les villages ruraux attirent ceux qui veulent se de la vie citadine. Parc que de nouvelles autoroutes sont tracées dans la France rurale, ces villages isolés deviennent de plus en plus accessibles à une population urbaine.
L'Observatoire fut mon second projet photographique en France de villages ruraux et leurs communautés, d'avril 1994 à avril 1998. Le premier projet eut pour cadre la région de Belfort où j'explorai dix communes sur une période de quatre saisons allant de 1987 à 1990.
L'exploration en territoire étranger n'a de sens que si elle se fait sur une longue période. Le plus significatif pour moi, est de suivre le paysage en cours d'évolution et d'y percevoir les changements produits par les hommes plutôt que par le climat. Mon travail se résume à collecter une documentation destinée révéler visuellement la tension qui résulte du mélange entre les symboles de notre mode de vie moderne et les icônes de notre passé.
Dans ces projets, j'ai photographié les traits significatifs qui constituent une communauté rurale en France. J'ai essayé de rendre compte d'une part, des types de structures et de constructions communs à ces villages et d'autre part, de montrer quels nouveaux aspects du développement industriel pouvaient les différencier.
Certaines similitudes peuvent apparaître bien banales aux habitants de ces communes rurales car ce ne sont que des détails et qui ont fait partie de la vie villageoise pendant des générations. Mais pour un observateur extérieur ils caractérisent une facette particulière de la France et qui dispara”t peu à peu.
Les sources d'eau potable ont joué un rôle central dans la communauté rurale traditionnelle. Ainsi les nombreuses mares communales mais aussi les puits et les pompes manuelles sont caractéristiques des communes qui entourent Saint-Benoît-du-Sault tandis que les fontaines dont l'eau s'écoule dans des abreuvoirs à chevaux sont un trait commun aux villages près de Belfort. J'ai remarqué que dans le canton de Saint-Benoît, des mares communales ont   été comblées. Pour l'aménagement de routes, j'ai vu déplacer des margelles de puits et des pompes manuelles et dans maints endroits, les espaces verts communaux ont été bitumés et ce, bien avant ma venue.
À mesure que le village change, les images de la vie rurale sont "poétisées". La mare, le puits, l'abreuvoir ou la fontaine n'ont plus leur fonction originelle mais symbolisent un mode de vie révolu qu'idéalise le présent. Il existe d'autres monuments qui dans une cité, semblent égarés tels des reliques, mais sont chargés de dans un village: monuments aux morts, calvaires, cimetiéres, écoles et marie. Pourtant, ces monuments ne sont pas toujours sacro-saints. Dans le canton de Saint-Benoît-du-Sault, j'ai vu des monuments aux morts deplacés sur d'autres sites, proche le supermarché, pour de place aux véhicules à moteur.
Mais c'est souvent l'église du village qui est le symbole le plus significatif à la compagne du fait de sa présence dominante sur une petite communauté. Comme les points d'eau, de telles images dans le paysage révèlent une relation aussi bien historique que spirituelle entre les hommes et la nature.
La nouvelle autoroute en cours de construction à l'ouest de Saint-Benoît-du-Sault a eu un impact immédiat sur les communes environnantes. Les communes peuvent bénéficier de subventions gouvernementales pour redessiner le paysage des abords de l'autoroute et améliorer l'état des routes secondaires. Les agriculteurs saisissent cette opportunité pour déraciner des haies et agrandir les champs. Dans le même temps, afin de favoriser un trafic plus dense, on a élargi des routes. Ce qui a contribué à transformer le coeur de certains villages.
Parce qu'elle traverse la campagne, la nouvelle autoroute continuera continuera longtemps son impact sur la zone par l'accroissement du tourisme et de possibilités économiques liées au service et à l'industrie légère, dont certains signes sont déjà perceptibles.
Il est de mise d'affirmer que nous vivons une ère post-romantique alors que dans le même temps nous refusons la perte de nos liens symboliques avec la nature - c'est là que naissent les conflits qui entourent le re-modèlement et la modernisation du coeur de nos villages.
© John Davies 1999
Une sélection d'huit 66x99cm imprime a été montrée en premier lieu dans l'exposition
"Le Temps Vite", au Pompidou Centre, Paris dans janvier 2000.
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